C'est le symbole de la reprise de la destination France : après sa plus longue fermeture depuis la Seconde Guerre mondiale, la tour Eiffel rouvre ses portes au public ce jeudi, avec des mesures sanitaires strictes. Il était temps pour une filière tourisme-loisirs tricolore mise sur le flanc par le Covid-19 .
Mais si pour certains opérateurs, la demande s'anime à l'approche des vacances d'été, avec l'espoir de « sauver » leur saison estivale, pour d'autres « l'été est pourri ». La situation, à date, permet de tirer les premières leçons d'une période qui sera, quoi qu'il en soit, en tout point atypique.
>> Téléchargez votre livre blanc : Covid 19, Pourquoi l'hôtellerie ne sombrera pas.
Un redémarrage tardif
Pour la plupart des entreprises du secteur, les réservations ont repris depuis un peu plus d'un mois. Le mouvement s'est accéléré au fur et à mesure des annonces gouvernementales .
« Nous sommes désormais en retard de 20 à 30 % par rapport à l'an dernier, alors que nous étions en recul de 90 % en avril-mai », témoigne Laurent Dusollier, directeur général du groupe Odalys , le numéro deux français de l'hébergement touristique.
De son côté, Alain Calmé, le président d' European Camping Group , plus connu sous la marque Homair, constate que « depuis une quinzaine de jours, nous vendons deux fois plus qu'il y a un an ». La réouverture des hôtels, qui n'ont pas fermé en raison du confinement mais par manque d'activité, est symptomatique du redémarrage national. « Il y a un mois et demi, je pensais ne pas rouvrir », affirme ainsi Jean-Philippe Cartier, patron-fondateur du groupe hôtelier H8 Collection. Au 21 juin, 67 % du parc hexagonal était déjà opérationnel, indique le cabinet spécialisé MKG.
Pour autant, la situation demeure contrastée : la reprise profite d'abord aux catégories économiques et moyen de gamme. Le haut de gamme et le luxe demeurent en souffrance, faute de visiteurs étrangers. Les établissements parisiens en sont la principale victime. Seulement 34 % des hôtels de la capitale étaient ouverts, selon MKG.Pour les voyagistes, « la situation reste globalement difficile », explique le président du syndicat professionnel Seto, René-Marc Chikli.
De fait, les Français privilégient la France et les destinations étrangères accessibles se font encore rares . Ils veulent « aller là où il y a le moins d'incertitudes », observe le directeur général France de liligo.com, Guillaume Rostand.
Les Français en France, les étrangers chez eux
Le voeu du secrétaire d'Etat en charge du Tourisme, Jean-Baptiste Lemoyne, est donc exaucé : l'été 2020 sera bien « bleu, blanc, rouge ». Selon un sondage pour les 13 comités régionaux du tourisme, 86 % des Français interrogés ont décidé de séjourner en France, contre 75 % en 2019.
La plateforme Airbnb a constaté au cours des deux dernières semaines que 85 % des réservations pour juillet-août concernent la France, contre 60 % un an plus tôt. Cette hausse compense largement la baisse du tourisme international. Toutes clientèles confondues, les nuitées progressent en effet de 25 %, précise Airbnb. Même constat chez le concurrent Abritel avec 90 % des réservations sur juillet-août faites par des Français, soit 10 points de plus que l'an dernier.
L'horizon des voyagistes français commence à se déboucher« La location correspond à des attentes nées de la crise sanitaire : distanciation, regroupement familial, lieu privé », souligne le directeur général France, Timothée de Roux. En outre, bien des professionnels notent un allongement de la durée de séjour. La désaffection des Européens pourrait, en revanche, peser pour les campings qui ont une forte clientèle de Néerlandais et d'Anglais. « Nous sommes actuellement entre 3 et 10 % d'Européens, contre habituellement 30 % environ », constate le PDG du groupe familial Capfun, Pierre Houé.
Le littoral reste privilégié
S'agissant des destinations, cet été 2020 s'annonce somme toute classique. Les Français privilégieront d'abord le littoral (43 %), puis la campagne (27 %) et la montagne (12 %), selon le sondage réalisé pour les comités régionaux. Aux dires des opérateurs, la Bretagne et la Normandie ont déjà le vent en poupe, tout comme PACA selon les plateformes de location. Le Val de Loire et la Dordogne se distinguent également. La Corse, en vogue pour Abritel et Airbnb, déçoit du côté d'Odalys et ECG. Quant au tourisme urbain, il serait à la peine.
Du Made in France chez les voyagistes
Parmi les rares destinations étrangères recherchées, l'Europe du Sud l'emporte, indique-t-on chez TUI et MisterFly . Mais « la France est devenue la destination principale avec les DOM TOM », souligne le patron du comparateur de vol, Nicolas Brumelot. Le spécialiste des îles Exotismes reprendra son trafic le 11 juillet, en misant sur ces terres d'outre-mer.
La France s'avère aussi une belle alternative pour le groupe Voyageurs du Monde. Terres d'Aventure, l'une de ses marques pour la randonnée, réalise « 70 % de ses ventes sur la France actuellement », remarque le PDG du groupe, Jean-François Rial. Bon an mal an, elle compte pour 20 %. La France est aussi le « premier pays » de la marque Voyageurs du Monde, avec « 15 % des ventes actuellement contre 1 % normalement ». Et ce grâce à la commercialisation d'une production initialement conçue pour les Anglophones.
De la flexibilité commerciale
Une flexibilité commerciale qui s'avère essentielle. Les opérateurs ont multiplié les initiatives afin de rassurer leurs clients et susciter les réservations. Homair, par exemple, a lancé une garantie de remboursement. Odalys, lui, a enchaîné les offres autour de l'absence de paiement immédiat et l'annulation gratuite. Dans la même veine, Vacances Bleues propose une « Offre Zen ».
Malgré le retour du beau temps pour certains acteurs, les inquiétudes sont loin d'être dissipées. « Ce qui a été perdu au printemps ne sera pas rattrapé », relèvent ainsi les patrons d'Odalys et d'ECG. Le directeur général du groupement d'hôteliers-restaurateurs Logis , Karim Soleilhavoup, prévient : « des établissements ne rouvriront pas avant septembre, d'autres sont définitivement fermés ».
Les réservations de dernière minute constituent néanmoins une source d'espoir et les dépenses effectuées directement via des marketplace mises en place par certains hôtels, comme la solution sur tablette de Bowo, permettent aux hôteliers de marger plus et de toucher des commissions sur des activités locales, ce qui favorise également le tourisme français. De l’entraide business solidaire en somme, mais rentable.
Articles similaires